Keskoun

Une table de dîner à Paris. Cire de bougie, fumée de cigarette, une bouteille qui respire déjà. Quelqu'un demande : "Que savez-vous du vin libanais ?" Silence. L'ignorance n'était pas l'éléphant dans la pièce, c'était quelque chose de plus lourd. La culpabilité. La déconnexion. Une fissure dans la dynamique.

Mais cette fissure laissait entrer la lumière.
Et la lumière sentait le raisin écrasé et la poudre à canon.

La vallée de la Bekaa gronde en silence. Les vignes griffent la terre comme si elles savaient que le lendemain n'était pas garanti. Autrefois, les tirs d'obus faisaient trembler cette terre. Dernièrement, ce sont des drones. Pourtant, les raisins ne cillent pas. Ils mûrissent dans la résistance, affirmant qu'ils survivront.

C'est ce que signifie faire du vin là où l'effondrement est toujours à portée de souffle. Pas de romantisme ici, mais un désir de vivre bien ancré.

Le Château Kefraya est le domaine le plus emblématique de la région. Il se dresse comme un mirage dans une terre déserte d'opportunités. La Bekaa occidentale, flanquée d'épines montagneuses, enfante des bouteilles de soleil et de vieilles histoires. Le lait iconique des dieux. Tous les dieux.

Regardons de plus près.

Photo d'Eli. Château Kefraya

Photo d'Eli. Château Kefraya

Vignoble de Sept

Phases de la lune, levures sauvages, aucun additif. Maher cultive et fermente comme s'il jetait des sorts. La table de dégustation est un autel. Le menu d'accompagnement est un poème. Ils l'appellent "Table à Sept", mais c'est plutôt une séance de spiritisme.

La Tourba

Au bord du lac Qaraoun. Brut et rosé, vif comme la vérité. Ici, le sol a déterré une tombe romaine pendant les vendanges, parce que bien sûr, il l'a fait. C'est ça le Liban : chaque racine s'enroule autour d'un fantôme.

Château St. Thomas

Un domaine familial devenu terre sacrée. Autrefois fabricants d'arak, aujourd'hui vignerons. Une chapelle veille silencieusement sur les vignes. C'est calme ici, mais le genre de calme qui se souvient de tout.

C'est une carte de la mémoire sanguine mise en bouteille.
C'est la joie d'être encore là.

Boire du vin libanais, c'est porter un toast à ceux qui font de la beauté dans des conditions impossibles. Leur savoir-faire relève de l'alchimie, transformant une douleur récurrente en un plaisir permanent.

Cette exploration est née de la curiosité de Marie-Lou. Nous la remercions d'avoir eu l'intuition de suivre le fil et de remonter à la source de ces bouteilles. 

Alors Késkon !

À toutes les bouteilles qui mordent à l'hameçon.

Précédent
Précédent

Le premier baiser du cinéma ?